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7. Fragments génitaux

Le regard scientifique prétend « penser, trier, classer ». Continuant la tradition infographique des illustrations scientifiques, auprès des femmes « intactes et entières », des planches anatomiques d’organes fournissent détails, noms, compositions de structures. Elles se continuent dans les représentations contemporaines éducatives de l’appareil génital. La convention visuelle est de faire suivre l’image d’une femme en pied par ses parties, séparées et indexées.

Le dispositif résout, par la mise en séquence (de gauche à droite, en regard, en tournant la page), la difficulté de montrer simultanément l’intérieur et l’extérieur du corps. Il résout également une autre difficulté, signalée par Berengario et que tous les anatomistes évoquent en tête de leur chapitre sur le corps féminin : la donna è mobile. La taille de l’utérus varie selon l’âge, le développement du fœtus etc. La convention proposée par Berengario est de ne représenter que des utérus de femme enceinte « pour que l’on puisse mieux voir ». Estienne le fait également, pour que « l’on puisse distinguer » mais aussi pour reproduire ce qu’il a observé lors des accouchements, à l’Hôtel-Dieu.

En haut: Jacopo Berangario da Carpi, Isagogae breves, Bologne: Benedetto Faelli, 1523, p. 24 verso. Source: Bibliothèque nationale de médecine des États-Unis, URL: http://resource.nlm.nih.gov/101436066

Ombres, teintes, déchirures, ligatures, mutilations introduisent la profondeur de ces organes extraits de leur corps tandis que la convention d’un utérus représenté dans sa grande taille est consensuellement acceptée.

En haut: Regnier de Graaf, De mulierum organis generationi inservientibus tractatus novus, gravée par Hendrik Bary, Leiden: Ex officina Hackiana, 1672, Tableaux I-II, IV-V. Source: BIU Santé, URL: https://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/medica/cote?34292

Les poses de l’utérus

Regnier de Graaf, 1672, Tableaux XIX-XXI. Source: BIU Santé, URL: https://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/medica/cote?34292

Anciennement réputé autonome, mobile et capricieux, représenté comme un petit animal à corne, une tête à l’envers du corps, l’appareil génital féminin des anatomistes est représenté en des poses asymétriques (afin de transmettre plus d’informations sur une page) et dans une sorte de danse : les liens avec les autres parties génitales sont mis en scène, tandis que la planche réunit en un même espace la vue d’ensemble et la collection de vignettes isolées. Au fur et à mesure que le clitoris, le vagin, les trompes, les ovaires peuplent la « matrice » informe de mots et figures, les membranes, ligaments, muscles, veines, artères et nerfs s’insèrent dans le tableau. L’appareil devient système.

En haut: Jan Swammerdam, Miraculum naturae sive Uteri muliebris fabrica, Leiden: Cornelis Boutesteyn, 1679 (1672), Tableaux I, III. Source: Google Books, URL: books.google.ca/books/about/Miraculum_naturae_sive_Uteri_muliebris_f.html

Chaînes, fils, arbres, roues, pattes, fleurs, corails fournissent un vocabulaire visuel pour représenter une mécanique invisible et sans cesse en mouvement.

En haut: Stephen Blankaart, Anatomia reformata, illustrées par Philip Tideman, engravées par Daniel de Penningen, Leiden: Jordaan Luchtmans et Cornelis Bouteseteyn, 1695, Tableaux L-LII. Source: Collection Getty Research Institute sur Archive.org, URL: https://archive.org/details/stephblancardian00blan_0

Posé sur la planche comme un bout de viande, l’utérus montre son extraction. Le procédé de la représentation narre la prouesse du savoir anatomique (la coupe, la démonstration) et sépare, sans aucun doute, le regard savant de l’alanguissement rêveur et ambigu que suscitaient les Vénus de la Renaissance.

En haut: Govard Bidloo, Anatomia humani corporis, illustrées par Gérard de Lairesse, Amsterdam: Joannes van Someren, 1685, Tableaux 51, 53. Source: Collection Getty Research Institute sur Archive.org, URL: https://archive.org/details/gri_33125008642049

Cependant, il s’anime parfois comme un personnage auquel une vignette placée en haut, au milieu de la page, sert d’improbable tête. Entre curiosité, boucherie, réalisme et bizzarerie, les représentations scientifiques ont séparé la femme de ses organes.

En haut: Albrecht von Haller, Icones anatomicae, Göttingen: Abraham Vandenhoeck, 1756, Fascicules 1, 3. Source: BIU Santé, URL: https://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/medica/cote?01628

8. En compagnie du fœtus (17e-18e)