Un corps donné à voir, pas à disséquer
En haut: Gustave Courbet, « L’Origine du monde », huile sur toile, Musée d’Orsay, Paris, 1866. Source : Wikimedia, URL : https://en.wikipedia.org/wiki/File:Origin-of-the-World.jpg, consulté le 8 mai 2021.
Finie la naissance de l’anatomie féminine par le scalpel de Vésale : le modèle n’a guère plus de tête que la Vénus de Milo mais n’est plus un cadavre. Le scandale est né. Le regard est externe, la perspective plongeante, le corps ouvert à la vue est art. Le tableau lui-même, tronqué, exposé derrière un rideau, a une biographie quasi-épique.
À gauche : André Vésale, De Humani Corporis Fabrica Libri Septem,
Bâle, Johannes Oporinus, 1543. Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=457251
À droite, Vénus Anadyomène, Musée des Beaux-Arts de Lyon.
Wikimedia : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Venus_Anadyomene_IMG_0568-black.jpg
Un corps iconique
Après l’entrée fracassante de L’Origine du monde, le corps féminin s’expose sans avoir à s’expliquer, se justifier ou se donner de titre. Il se reconnaît. Il partage, souvent dans l’inachevé, la truncature, le minimalisme, ou le cadrage rapproché, le secret de l’intime. Le triangle est son symbole.
Huguette Caland, Flirt X, 1972 Presented by the artist 2017
URL: http://www.tate.org.uk/art/work/T15173
En haut: Joan Semmel, Secret Spaces, 1976. URL: https://www.tate.org.uk/art/artists/joan-semmel-24914. Courtesy Alexander Gray Associates, New York; © 2018 John Semmel / Artists’ Rights Society (ARS), New York
Un corps célébré au pluriel
En 1974-1979, avec le concours de plus de 400 bénévoles, Judith Chicago met le couvert pour 39 femmes, dont Christine de Pizan et Simone de Beauvoir, au musée d’art moderne de San Francisco. Elle y nomme et célèbre 999 femmes. Chaque élément, à chacun de ses autels assemblés en table triangulaire, évoque le sexe féminin. Le sort de l’œuvre (attaquée, vandalisée, reconnue) est une histoire du féminisme en soi.
En haut: Judy Chicago, « The Dinner Party », céramique, porcelaine et textile, Brooklyn Museum, photos de Eric Wilcox et Philipp Messner, 1974–79. Source : Khan Academy, URL : https://www.khanacademy.org/humanities/art-1010/post-minimalism/post-minimalism-sculpture/a/judy-chicago-the-dinner-party, consulté le 8 mai 2021.
En haut: Jamie McCartney, « The Great Wall of Vagina », moulages en plâtre, panneau 1, 2008. Source : The Great Wall of Vagina, URL : http://www.greatwallofvagina.co.uk/great-wall-vagina-panel-1-0, consulté le 8 mai 2021.
En 2006, Jamie McCartney demande à 40o femmes de le laisser prendre des moulages de leurs organes génitaux. Il en fait une fresque, célébrant diversité et beauté, dénonçant mutilations, violences et labioplasties : un mur pour célébrer « la perfection du corps féminin » bien différent du « mur des cons » faisant rempart autour de Paris dans le Pantagruel.
À gauche: Jamie McCartney, « The Great Wall of Vagina », moulages en plâtre, mars 2011. Source : The Great Wall of Vagina, URL : http://www.greatwallofvagina.co.uk/very-first-hanging-march-2011, consulté le 8 mai 2021.
Le pluriel est politique. Dans le paradoxe et la provocation, il s’affiche publiquement, comme collection d’images de l’organe secret et singulier du corps féminin, le clitoris. Une visibilité figurée comme publicité.
En haut: Julia Pietri, « It’s not a bretzel », affiches publicitaires, date inconnue. Source : It’s not a Bretzel, URL : http://www.itsnotabretzel.com, consulté le 23 janvier 2021.
Dans l’esprit de l’autogynécologie identitaire et de la diffusion des savoirs sur le corps féminin, des encyclopédies en ligne, collectives, affichent images et discours sur le corps féminin pour en multiplier modèles et diversités. Souvent interactifs, (comme Pussypedia, https://www.pussypedia.net/ ou The Vulva Gallery, https://www.thevulvagallery.com/anatomy ), ils organisent témoignages individuels et représentations personnelles en galeries.
Page d’accueil de l’encyclopédie Pussypedia
URL https://www.pussypedia.net/,
site consulté le 15 août 2019
La multiplicité n’est pas répétition ni modélisation : elle célèbre la différence. La performance, en ligne, d’expositions des parties génitales féminines se continue en refus des normes de genre et de sexe. Le pluriel n’est pas binaire !
Un corps vivant
Fleurs, feuilles, corails, coquillages ont formé une panoplie d’images détournées pour montrer l’irreprésentable. Elles accompagnent maintenant, comme une gamme de coloris, les représentations frontales des organes féminins, à la fois souvenirs de traditions anciennes et revendications modernes d’autonomie et fierté.
Les motifs végétaux répondent également à l’une des limitations de l’image fixe : l’impossibilité de représenter la variation (de taille et de forme). Le feuillage figure ainsi le mouvement qui ne peut être dépeint.
En haut: Priscila Barbarosa, Illustration, date inconnue. Source : Universa, URL : https://www.uol.com.br/universa/noticias/redacao/2018/05/12/anatomia-do-clitoris-ele-nao-e-como-voce-imagina.htm, consulté le 23 janvier 2021
Marie, Sans titre, 2020. URL : https://www.instagram.com/p/B_5MzayHiIO/,
site consulté le 25 janvier 2021.